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Le Beau semble si profondément ancré dans la pensée que la recherche de son origine sollicite les techniques scientifiques les plus avancées et à défaut l’imagination la plus créative. Nos limites de capacité d’imaginer le Monde brident nos facultés de penser.

Depuis les découvertes d’Albert Einstein et Louis de Broglie, chaque objet dans l’univers manifeste des propriétés à la fois d’ondes et de particules selon l’instrument qui les mesure. La représentation mentale de tout participe activement à l’avancée de la connaissance. A l’inverse l’incapacité mentale de représenter une image cohérente d’un objet dans sa nature duale onde-particule freine l’avancée de la connaissance. Il semble que cette difficulté provienne de la manière de visualiser mentalement les choses. L’ombre d’un cylindre projetée sur un plan donne un rond ou un rectangle selon l’angle de vue de l’observateur. La capacité d’associer des apparences de formes distinctes à un objet unique demande un effort intellectuel.

Prigogine a montré que l’inerte est susceptible d’auto organisation par l’effet de la dissipation de l’énergie dans un milieu ouvert. Par exemple la constitution de cristaux de sel procède de l’évaporation d’eau salée. La thermodynamique montre qu’une force spéciale appliquée au désordre crée de l’ordre dans le temps. Le phénomène de mémoire inhérent à la nature, favorise l’accumulation de données et la répétition créatrice.

Le vivant est composé des mêmes briques élémentaires que l’inerte, mais séparé de l’extérieur par une membrane qui préserve un milieu d’un certain degré d’autonomie. Le noyau de la cellule contient l’ADN qui code l’information correspondant à l’ensemble de l’être vivant. Une cellule élémentaire est une unité autonome en symbiose avec son environnement qui s’associe pour former un tissu, lequel participe à l’organisation d’un organe qui comme une poupée russe participe au fonctionnement d’un être vivant. La capacité de duplication d’une cellule n’est pas infinie, ce qui explique que le vivant traverse une véritable genèse de la naissance à la mort, y compris son développement et la reproduction de sa copie.

Aucune explication de l’origine de la vie n’est satisfaisante. La théorie mécaniste n’explique pas le vivant avec les seules lois physico-chimiques connues. La planète Terre a 4 milliards d’années et la teutonique des plaques renouvelle tous les 200 millions d’années l’écorce terrestre, effaçant toutes traces des phénomènes constitutifs de l’origine de la vie. Les théories créationnistes font intervenir un principe vital, une « âme» apportée de l’extérieur. Claude Bernard conclue « Nous devons reconnaître, dans l’ensemble des phénomènes naturels et leurs rapports déterminés par des buts déterminés, une grande intelligence intentionnelle ». La difficulté porte sur l’origine de l’intentionnalité incluse au cœur de l’ADN. L’hypothèse Gaïa de James Loveloook relayée par le film Avatar de James Cameron montre des êtres vivants sur la planète Pandora connectés à leur environnement. La Planète toute entière est un système vivant doté d’une conscience.

L’unité du vivant la plus petite contient en elle un potentiel de réalisation d’un ensemble plus complexe. Chaque niveau de complexité fournit les éléments de construction du niveau suivant. Un système est d’autant plus complexe qu’il possède un grand nombre d’éléments étroitement dépendants les uns des autres. La quantité et la variété des liaisons comptent autant que le nombre des éléments. Dans un système complexe le tout est plus que l’addition des parties.

La pensée est un résultat de la complexité. Le cerveau est composé de milliards de cellules. La mise en forme de données dans le cerveau crée une image inversée de la représentation du réel comme une empreinte sur un support. Le traitement de données en image, et le rapprochement de cette image avec l’objet représenté est un niveau de conscience. L’association d’images mentales avec un ressenti d’émotions procède d’un autre niveau de conscience. L’évolution sur 60 millions d’années des os crâniens et le relevé sur le terrain de traces d’activité de l’homo Erectus, homo Habilis, Néandertalien jusqu’à nous-mêmes montre une progression constante du couple conscience-cerveau.

Le terme humain a la même racine étymologique qu’humilité et humus, terreau fertile. L’humain cherche à donner un sens à tout, comme pour maîtriser mentalement préalablement, puis matériellement son milieu.

Cette quête conduit à la découverte des lois qui déterminent l’univers, ou à en imaginer comme palliatif chaque fois que nécessaire.

Les méthodes d’acquisition de la connaissance misent sur l’observation, l’expérimentation et le raisonnement. Tous les phénomènes ne peuvent être analysés avec la même précision. Les Théories de l’origine de la connaissance tentent de départager entre croyances selon leur mode de production. Elles distinguent entre propositions réfutables et non réfutables. Pour Karl Popper, la proposition «Dieu existe» est dotée de sens, mais non scientifique, car non réfutable. Le théorème d’incomplétude de Gödel découvert en 1931, montre que tout système assez riche pour formaliser l’arithmétique contient des vérités ne pouvant pas être démontrées à l’intérieur de ce système. Le raisonnement n’est plus conçu comme un système clos et rigide de principes déterminés a priori, mais bien comme une réalité plastique et dynamique, un processus constructif, dont témoigne l’histoire même de la connaissance. Les sciences sont interdépendantes, contingentes de l’expérimentation par la technique et de l’évolution de la Culture.

Par exemple, les neurosciences se focalisent sur l’étude du cerveau siège de la pensée (thèse controversée par Bergson dans Matière et Mémoire « la conscience déborde le cerveau »). Le fonctionnement du système cérébral suffit à expliquer la pensée et la conscience. L’expérimentation de la réaction du cerveau aux stimuli de toutes sortes, couplée à l’observation par imagerie médicale, permet d’analyser les réactions des zones stimulées jusqu’au neurone prés. La conscience naît de l’ensemble de facteurs neuro-cérébraux dont l’éveil commence par l’ouïe sens le plus aiguisé du fœtus, puis se développe par le langage.

Dans l’attente de résultats de la science, un champ est commode pour la croyance et l’imagination, le mythe et la légende.

Ce champ est le terrain d’expérimentation de la Culture. L’aptitude à mixer liberté individuelle et règles collectives détermine la fécondité de la Culture d’un groupe.

Les concepts de Bien, Beau, Vrai, Utile sont aux fondations de toute Culture. Les humains en société éprouvent la nécessité de s’accorder sur l’essentiel.

L’organisation des concepts entre eux contribue à la formation mentale d’automatisme, de stéréotype, de chaînes de jugements de valeurs, d’a priori qui facilitent la prise de décision à l’échelle des individus, et des sociétés. Les règles couvrent l’ensemble des besoins de la vie en collectivité. Elles sont conscientes ou inconscientes, tacites ou explicites, déclarées ou révélées, écrites ou orales selon le mode de fonctionnement des sociétés.

Le Beau, comme le Bien, le Vrai, l’Utile contribuent à l’établissement des règles. Le Juste ou le Sage sont ajoutés tardivement au référentiel d’auto régulation des sociétés. Toutes les Civilisations ont laissé une empreinte du Beau en témoignage de leur Culture.

On aurait tort d’attribuer à l’humanité seule, l’attrait pour le Beau. Le Beau n’est pas le propre de l’homme. L’attrait du Beau est avec l’Utile une base de la théorie Évolutionniste. L’explication de l’origine de l’attrait peut provenir du goût pour la symétrie et le rare. Par exemple, l’asymétrie de la forme d’un être peut révéler une défaillance immunitaire, une vulnérabilité à l’environnement, aux maladies. En revanche la mutation génétique perçue comme potentialité d’évolution est attractive. La sélection sexuelle amplifie le maintien de caractères outranciers attisant le désir sexuel (crabe violoniste, bois du cerf, faisant, baudroie des abysses). Cependant toutes les espèces ne possèdent pas de dimorphisme sexuel (fous de Bassan, aigle royal, cheval). Le dimorphisme sexuel ou son absence est un caractère génétique qui illustre la diversité de la nature et induit des comportements différents. Chez l’humain la part attribuée à l’héritage génétique du dimorphisme dans le fonctionnement des groupes est un marqueur culturel significatif.

L’attrait pour le Beau est plus puissant que l’attirance sexuelle car son périmètre d’action couvre tout objet, toute situation, contre le désir sexuel au périmètre d’influence plus restreint. Si la sexualité est un moteur de l’humanité, l’attrait du Beau est plus puissant encore.

Comment l’attrait d’un individu pour le changement peut-il faire école, sans une prédisposition duale de l’humanité pour la norme et le rare ?

Le Beau est conservateur tenté par l’évolution féconde. Le désir naît à la limite entre permis et interdit. L’attractivité pour le Beau révèle une stratégie comportementale qui oscille entre passive adhésion au Groupe et volonté d’affirmation de soi. Au plus profond des êtres, il y a conflit entre confort de la sécurité et risque d’aventure.

La beauté ne serait que le résultat de l’impression exercée par la combinaison de symétrie et d’excessif, impliquant un arbitrage entre conformité et innovation. Cette explication inclue l’interaction de groupes qui influent par leurs préférences le contenu du Beau dominant. Au sein d’une société s’entremêlent des courants porteurs de contenus différents du Beau qui se fécondent.

En lançant la proposition culte du féminisme, « On ne naît pas femme, on le devient » Simone de Beauvoir dénonçait la Culture comme puissance sournoise normalisatrice des comportements et des goûts à l’insu même des individus concernés.

Le ressenti du Beau induit une satisfaction gratuite intérieure à un sujet qui éprouve le besoin de partager ce ressenti. Le Beau est un concept éminemment fédérateur. Quelles sont les causes de cette satisfaction gratuite, et de ce besoin de partage et d’universalité ? Le Beau ne serait-il pas le ferment fondateur de la Culture ?

Parfois l’extrême Beauté attire ou effraye, comme des paysages grandioses, ou des phénomènes naturels selon la distance du sujet par rapport à l’objet. Même le Laid, l’Horrible représenté en image peuvent être Beau du fait de la distanciation entre réel et représentation. La représentation d’être vivant est interdite dans certaines sociétés sans doute du fait d’une distanciation insuffisante. La nature du ressenti peut osciller entre satisfaction ou crainte du fait de la proximité du sujet par rapport à l’objet. Le ressenti du Beau d’un à l’autre individu, et dans le temps par l’éducation et l’expérience.

Il serait saugrenu de traiter du Beau en faisant l’impasse sur le phénomène d’inspiration par transcendance (venant de l’extérieure), immanence (venant de soi). Michel-Ange soutenait que la sculpture se présentait à lui comme déjà contenue virtuellement dans le marbre original. « Les Artistes ont toujours su qu’ils dialoguaient avec la matière afin d’y trouver une source d’inspiration, alors que d’autres pensaient que la Beauté surgissait après qu’on eut imprimé sur la matière informe, une idée, une forme…Benedetto Croce enseignait même que la véritable invention artistique se développe au moment de l’intuition-expression…tandis que l’extériorisation technique ne constituerait qu’un accessoire » Histoire de la Beauté Humberto Eco Flammarion 2004 page 401. L’Artiste est le créateur du Beau. Il invente ou utilise une technique (ars) pour représenter une œuvre, animé de l’envie qu’elle soit admirée de tous.

L’extériorisation d’une représentation mentale par un individu prouve une volonté de distanciation du sujet à l’objet, et donc de prise de contrôle. Chaque être reconnaît dans l’œuvre, l’image de l’objet proche de sa propre représentation mentale. L’œuvre fait réfléchir. L’Artiste corrige son œuvre ou l’observateur adapte sa propre représentation mentale. Le Beau est la satisfaction collective éprouvée qui signe l’adhésion du groupe à cette représentation. Par le Beau, l’Artiste transforme une représentation mentale individuelle d’un objet, en œuvre qui fait date pour l’objet représenté. Le Beau est le ferment de la création et de l’évolution de la Culture. Le Beau, appliqué à tout et jugé par tous, participe à la cohésion du Groupe.

Pour Teilhard de Chardin « rien dans l’univers ne saurait résister à un nombre suffisamment grand d’intelligences groupées et organisées ».

« Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d'eux» Evangile selon Matthieu 18. L’intelligence collective permet à un groupe dans la communion et la concentration de valoir plus que la somme des individus concernés.

Dans la tradition kabbalistique, la vraie fonction des hommes sur terre, est de créer les conditions pour qu’une conscience humaine collective prenne forme et devienne immortelle.

Tag(s) : #Sens et Conscience du Beau
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