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Les villes de Byblos, Sidon, Tyr et Arwad prospèrent et les Phéniciens développent un artisanat réputé pour transformer les matériaux bruts en articles de luxe à forte valeur ajoutée. Lorsque la civilisation minoenne est détruite vers – 1 200 av. J-C, ainsi que l’empire Hittite, le verrou de la Crète tombe en Méditerranée. Le commerce phénicien circonscrit aux côtes levantines, à l'Égypte et à la côte méridionale de l'Anatolie se développe vers l’Ouest essaimant sur le pourtour méditerranéen occidental des produits convoités. Le Beau c’est le cher. Les Phéniciens gagnent en autonomie, ils sont moins dépendants des empires asiatiques. Ils maîtrisent l’Art de la navigation, de la négociation et du commerce.

Les cités Grecques Athènes, Sparte, Thèbes, Corinthe et d’autres ne tardent pas à s’engager dans des guerres fratricides pour l’hégémonie en Grèce continentale et le contrôle maritime en Méditerranée, pendant que les Phéniciens créent des comptoirs commerciaux à Carthage, Sicile, Malte, Corse en Gaule et Espagne. Les matières premières blé, fer, cuivre, bronze sont échangées contre les tissus teints au pourpre, l’orfèvrerie, la marqueterie, la métallurgie, la verroterie qui impliquent un savoir faire rare, l’alliage ou l’incrustation de matériaux précieux bois, ivoires, or, argent, cuivre, bronze, étain, pierres précieuses ou semi précieuses pour produire des bagues, pendentif, colliers, glyptiques, sceptres, armes ou ornements incrustés, statues et poteries moulées en série. Le pourpre de Tyr extrait d’un mollusque, le murex, Bolinus brandaris devient la couleur impériale de l’antiquité jusqu’au Moyen Age tout autour de la Méditerranée, La volonté de contrôle des débouchés commerciaux en méditerranée des Assyriens, puis des Babyloniens conduit les Phéniciens à migrer massivement à Carthage « le nouveau village » pour fonder un nouvel empire Punique.

L’extrême beauté est dangereuse, tragique. Narcisse tombe amoureux de son reflet dans l’eau du Styx et finit par mourir de cette passion. Cupidon vole un rayon de miel et se fait piquer au doigt par une abeille. Plaisir et douleur sont liés. La beauté apparaît comme attribut volé au Dieu qui implique en contrepartie une punition. L’irrésistible beauté d’Hélène de Troie justifie la guerre relatée par Homère Iliade (VIII-VII siècle av. J-C). L’épouse du Roi de Sparte est enlevée par le prince troyen Paris. Le jeu des promesses et des alliances induit la guerre de Troie. Les récits homériques de l’Iliade sont repris par les artistes pour nourrir durablement l’imaginaire occidental. Les Grecs n’ont pas le beau rôle dans cette affaire. Alors que les perdants se battent pour le triomphe de l’amour, la coalition grecque agit par vengeance et cupidité. La ruse d’Ulysse finit par vaincre les murailles de Troie. Ce message nourrit la civilisation occidentale : l’intelligence peut vaincre la force. Selon la mythologie, Zeus aurait assigné une mesure appropriée et une juste limite à tout être. Le destin de chacun est tenu comme un fil entre les doigts des trois Parques. Le gouvernement du Monde coïncide avec une harmonie précise et mesurable qu’expriment les devises inscrites sur le temple de Delphes (400 siècle av. J-C) «Le plus juste est le plus Beau», «Rien de trop», «Observe les limites». Pythagore (580 -495 av. J-C) établit «Le principe de toutes choses est le nombre». Cependant l’infini indénombrable est inquiétant. L’harmonie consiste dans l’opposition pair-impair, limite-illimité, unité-multiplicité, gauche-droite, masculin-féminin. Un seul des deux contraires représente la perfection.

Pour Héraclite (544-480 av. J-C), l’harmonie ne se réalise pas en accumulant des contraires mais en laissant vivre les deux en tension continuelle, idée commune avec le Ying et yang chinois. L’harmonie est l’équilibre des contraires, la beauté du Monde se manifeste comme un casuel désordre.

A l’Est, les Perses constituent un empire qui s’étend au Nord jusqu’au bord de la Caspienne, à l’Est jusqu’à l’Indus, et à l’Ouest au Levantin et Palestine. Une hégémonie en Méditerranée gène l‘expansion de Syrius dans le commerce entre l’Inde et l’Occident. Les Perses n’ont de cesse de diviser les citées Grecques en s’alliant aux Spartes pour nuire au prestige d’Athènes. L’extension des Perses jusqu’au rives orientales de la mer Égée, verrou de l’accès maritime à la mer Noire oppose directement Perses et Grecs. Dans la Grèce antique, la Beauté n’est pas un principe autonome. Aux noces de Cadmos et Harmonie à Thèbes, les muses chantaient «Ce qui est Beau est cher, ce qui n’est pas Beau n’est pas cher». Les Grecs manquent encore d’une théorie de la beauté empruntée pour l’heure aux Phéniciens. Les premières victoires militaires contre Darius 1er et Xerxes 1er rassurent Athènes qui devient chef-lieu d'un empire maritime embrassant presque toutes les côtes de la mer Egée.

Au siècle de Péricles (495-429 av. JC), Athènes brille de tout son éclat et sera appelée «l’institutrice du Monde». La sculpture grecque - Le Discobole (460-450 av. J-C) - recherche une beauté idéale en opérant une synthèse des corps vivants. Elle harmonise beauté des formes et beauté de l’âme. Athènes reconstruit les temples détruits pour afficher avec orgueil sa supériorité également dans les arts, notamment par rapport aux canons lourds et figés de l’art égyptien et asiatique. Dans les hymnes, le Beau s’exprime en harmonie du Cosmos, en sculpture par le respect de proportion et l’harmonie des formes, en rhétorique et en poésie par le rythme, jusqu’aux arts figuratifs et décoratifs qui inventent le point de vue. Les alliés d’Athènes passent successivement à la condition de tributaires, puis de sujets. Athènes atteint une prospérité matérielle et une splendeur inouïes. Comment fédérer des cités indépendantes, coaliser des groupes aux intérêts antagonistes ?

La gestion du bien commun l’emporte sur le développement individuel, alors que sur les pentes de l’Himalaya la recherche du bonheur choisit une autre voie. Athènes développe l’Art de l’éloquence et de la rhétorique, l’Art de gouverner et la République, la science et la technique et enfin l’Art de la Beauté. La philosophie n’est pas simplement un enseignement mais une manière d’être et le Beau la démonstration matérielle de l’hégémonie de la culture Grecque sur les barbares. Hérodote (484-420 av. J-C) liste les sept merveilles du Monde : pyramide de Khéops à Memphis, jardins suspendus de Babylone, statue de Zeus à Olympie, temple d’Artémis à Ephese, mausolée d’Halicarnasse, colosse de Rhodes, phare d’Alexandrie. Les objets transportés diffusent une histoire commune, tandis que les constructions monumentales impressionnent les voyageurs. Le vrai monde est celui des Idées absolues, par opposition au monde sensible, qui est celui de l’ignorance et de l’illusion. Pour Socrate (469-399 av. J-C), la sagesse est la connaissance pour atteindre une sorte d’équilibre complet entre bonheur individuel pour soi et vertu pour un bonheur collectif. La justice sociale n’est pas à l’ordre du jour. Les philosophes antiques n’abordent jamais le sujet de l’esclavage. L’esclave est une machine indigne d’attention. Socrate illustre la difficulté à définir le Beau qui s’applique à tout.

Tout peut être qualifié en fonction du concept Beau avec toutes les nuances possibles d’appréciation. La laideur du visage de Socrate comparé à un silène, n’informe pas sur la beauté de son âme. On voit en Socrate la laideur compensée par la Sagesse. Les apparences sont trompeuses. D’où une déduction inverse, la beauté est faiblement compatible avec la sagesse. La Beauté ne correspond pas à ce qui se voit. La belle vierge du Hippias majeur invite à l’investigation de son âme. La finalité de l’Art vise l’imitation de la nature, et détourne des réalités vraies. La beauté est la complète satisfaction provoquée par une parfaite imitation. Les raisins peints par Zeuxis illustrent le triomphe de l'imitation de la nature, parce que des pigeons vivants vinrent les picorer. Le Beau se définit par le Laid, comme Apollinien s’oppose à Dionysiaque, Harmonie et Chaos, ordre et désordre. L’Idéalisme de Platon (427-347 av. J-C) renvoie à un Monde extérieur spirituel. Le corps est une caverne obscure qui emprisonne l’âme. La réalité sensible, accessible par les cinq sens est une copie de la réalité vraie, idéelle. La vision sensible est dépassée par la vision intellectuelle, laquelle requiert l’apprentissage de l’art dialectique, à savoir la philosophie.

Platon pose la réalité d’un monde universel, accessible à la vérité par la raison davantage que la simple sensation. Le platonisme inaugure (...) cette recherche attentive et forcenée d'un arrière-monde, d'un univers «métaphysique», plus vrai que ce monde-ci, «sensible à l'œil de l'âme», qui donne consistance et raison à cette autre recherche, confuse, incertaine et héroïque de l'humanité, quêtant la vérité et la justice. Fr. Châtelet, Platon, 1965, p.21. Il n’est pas donné à tous de voir la beauté. (Gilson, Espr. philos. médiév., 1931, p.178). La vision du Beau élève l’âme. L'amour des beaux corps conduit insensiblement à l'amour de la sagesse, à la philosophie. La beauté fait naître de bon sentiment et rend la vie agréable. Le but est de construire la cité idéale La République. L’artiste trop sensuel est exclu de la république, où le beau a sa pleine place. L’Idée qui trône au-dessus de tout est celle du Bien. Platon La République (V-IV siècle av. J-C). «Le beau, c’est la splendeur du Vrai». La position de Platon donnera naissance aux deux conceptions majeures de la beauté : la beauté comme harmonie en proportion (dérivée de Pythagore), et la beauté comme splendeur.

Le Bouddhisme (563-480 av. J-C), n’est pas une religion, ni une philosophie mais plutôt un enseignement de pratiques dont émane une sagesse applicable à chaque instant de l’existence et en toutes circonstances. Les enseignements portent sur la nature de l’être, la loi de cause à effet, la cause de la souffrance, la non-existence du moi et des phénomènes en tant qu’entités indépendantes. La souffrance surgit lorsque le moi que nous chérissons, est menacé ou n’obtient pas ce qu’il désire. La guérison consiste au renoncement des causes profondes de la souffrance.

Socrate attribue la souffrance à la méconnaissance nourrie par une vision tronquée que l'on a de soi-même et du monde. L’Epicurisme et le Stoïcisme prônent le renoncement. Le Bouddhisme prône la voie du milieu, à l'écart de tous les comportements extrêmes qui permet de trouver la liberté intérieure. Les maîtres Tibétains sont les dépositaires fidèles et accomplis de l’enseignement de l’être éveillé Bouddha qui a trouvé la voie par lui-même. La voie intérieure basée sur l'éthique, la méditation et la sagesse, permet d’atteindre un état d’équanimité, de jubilation qui s’accompagne d’ouverture d’esprit et se traduit par un altruisme infini. Le Bouddhisme permet le bonheur collectif par l’élévation de l’individu. Le Beau est la voie du milieu propre à chaque individu. La science est une vision partielle de la connaissance. Le mandala exprime le goût pour la concentration, la contemplation et le détachement. La foi est une conviction intime et inébranlable qui naît de la découverte d’une vérité intérieure, et qui procède par le respect des traditions et des rites. La science vise la connaissance des phénomènes et des relations de causes à effets.

Les philosophes Grecs lancent la réflexion pour faire le bilan des connaissances. Le champ des certitudes s’amenuise mais la démarche est féconde pour la pensée, les Arts, le rayonnement de la Grèce. Le psychisme est-il une réalité séparée de l’enveloppe matérielle du corps ou bien cette séparation n’est-elle qu’une illusion ? Dans l’antiquité, l’explication de la vie introduit inévitablement l’idée d’âme, ou pour le Bouddhisme conditionnement d’un flot de conscience, et la mort implique résurrection, réincarnation ou transmigration d’entité.

Le platonisme établit la confiance de l'homme dans le pouvoir de la pensée, le «mythe» indispensable d'une Vérité éternelle à chercher par-delà les inexactitudes et les imperfections de toute science déjà atteinte (R. Lenoble, Hist. de l'idée de nature, 1969, p.70). Le courage est une qualité du caractère valorisée par les sociétés jusqu’à la fin de l’ère industrielle. Les croyances sont déterminantes du courage des individus et des peuples. Le mental peut agir sur la force physique, le dynamisme et la résistance à la douleur. Les Grecs se nomment mortels, les religions sanctifieront les martyrs. Le stoïcisme distingue entre ce qui dépend de nous ; nos représentations, nos pensées, notre sensibilité aux sensations ; et ce qui ne dépend pas de nous, ce qui nous arrive de l’extérieur et renvoie à l’idée d’un effort réalisé sur soi, d’une maîtrise des impulsions, même dans la souffrance.

A la question de savoir quel est son critère d’évaluation, l’oracle de Delphes répond «Le plus juste est le plus beau». Tout s’évalue à l’aune du Beau. Kalòn est tout ce qui plaît, qui satisfait les sens : la vue, l’ouï, le toucher, le goût mais ce n’est pas les seuls choses qui comptent. Les qualités de l’âme et du caractère sont perçues plus par l’esprit que par les sens. Le Beau est toujours associé à la mesure et la convenance. La poésie peut par l’harmonie des sons égarer de la vérité.

Avec Pythagore (580-495 av. J-C) naît une vision esthético-mathématique de l’univers. «Toutes les choses sont ordonnées car en elles se réalisent des lois mathématiques, qui sont condition à la fois d’existence et de Beauté » Umberto ECO Histoire de la Beauté Flammarion 2004 page 61.

Pour Aristote (384-323 av. J-C), l’imitation par les arts de la nature pousse vers la connaissance des réalités sensibles. Dieu est cause première de toute chose avec lequel on peut entrer en relation. L’ordre des supériorités est inversé. L’image n’est plus inférieure au réel. Le travail de l’Homme peut ajouter de la Beauté. La chose représentée devient une réalité augmentée porteuse de connaissance. L’élan est donné, l’Artiste découvre les lois cachées de la nature. Le Beau est la preuve du succès de la mission. Les comptoirs grecs cohabitent avec les établissements phéniciens qui les ont précédés. Affaiblie par des siècles de conflit et le recours aux mercenaires qui épuise le trésor athénien, l’or manque.

La Grèce tombe sous le charme d’Alexandre le Grand (356 – 323 av. J-C) Roi de Macédoine qui à 20 ans entraîne quelques cités Grecques dans une guerre éclair contre l’ennemi juré, l’empire Perse de Darius III. Alexandre tourne son regard vers l’Orient tandis que les Phéniciens conquièrent commercialement l’occident. Les satrapies du levant tombent une à une, attirant dans la conquête toujours plus de Grecs. Tyr sera rasée pour avoir résistée. Toute la côte de l’Est méditerranéen jusqu’à l’Égypte et à la Libye est soumise, puis l’empire Perse jusqu’au rive de l’Indus. La Culture Grecque se répand des rives de la Méditerranée à l’entier Moyen Orient pour entrer en contact avec le Bouddhisme (460 av. J-C) et l’Indouisme.

La colonisation Grecque comme plus tard la colonisation romaine établit des polies, citées états. Des terres sont confisquées, des hommes enrôlés, des tribus imposés mais l’adoption de la culture grecque et de ces attributs, langues, vêtements, coutumes garantit aux élites l’autonomie du gouvernement, l’accès aux jeux panhélleniques et à un vaste réseau commercial. A la mort précoce d’Alexandre, son empire est partagé entre généraux et la coalition des citées grecques vole en éclat.

Les Etrusques alliés aux Carthaginois remportent des batailles maritimes contre les Grecs de Massilia pour le contrôle de la Méditerranée occidentale. L’Art Etrusque semble avoir été influencé par un contact régulier avec les Phéniciens : troc d’objets contre fourniture de bronze. Les Etrusques connaissent l’urbanisme, la médecine, et l’égalité homme femme scandaleuse aux Grecs et Romains. Selon la légende, la ville de Rome est fondée le 21 avril 753 av. J.-C. par deux jumeaux, Romulus et Remus. Les Etrusques ne résistent pas à l’expansion romaine vers le Nord, puis en Gaule jusqu’en Bretagne.

Carthage et Rome luttent pour la conquête de la Méditerranée occidentale sur terre et mer. Les Guerres puniques commencées en 264 av. J-C s’achèvent par la destruction de Carthage en 146 av. J-C et l’adjonction d’une nouvelle province. Vers l’orient, certains États grecs demandent dès 300 av. J.-C. une alliance avec Rome. Le déclin de la puissance militaire grecque amène les Romains à conquérir le Péloponnèse et les citées Grecques à partir de 187 av. J-C. En revanche, la culture grecque colonise la vie romaine. Les romains au gré des conquêtes pillent cités et colonies, importent œuvres et sculptures, déportent ou asservissent les populations, ou rasent ou édifient de nouvelles cités. Le modèle de beauté est Grec. La langue grecque devient linga franca à l’Est de l’empire romain et langue des lettrés à l’Ouest.

Le système politique fondé sur la république évolue au fil des conquêtes en dictature incarnée par l’empereur. La conquête de Pompée (106-48 av. J-C) sur la Grèce signe le triomphe de la force sur l’intelligence et le début d’un phénomène d’acculturation dont les ruines encore debout sont les témoins visibles. Les conquêtes vers l’Est visent la maîtrise des voies commerciales avec l’Inde et la Chine sur les pas d’Alexandre le grand. Trajan lave l’affront de la défaite de Crassus (53 av. J-C) contre les Parthes en prenant Ctésiphon sur les rives du Tigre (116) sans possibilité de maintenir sa position. Le même défit est relevé par Septime Sévère (197) et Carus (283) sans plus de succès sinon l’affaiblissement durable de l’empire Parthes et la montée en puissance des Perses Sassinides. La Pax Romana est un « business model » basée sur des limes qui protègent des barbares, et des conquêtes qui renflouent régulièrement le trésor de Rome. L’étirement des frontières augmente le coût de la défense. Le pillage du trésor des empires voisins n’est pas reproductible indéfiniment.

Tag(s) : #Evolution du Beau
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